publié le 17 novembre 2023
Aujourd’hui, des millions de Français possèdent un Livret A, qui représente un produit d’épargne sûr, sans frais et exonéré d’impôts. Et voilà que le gouvernement ambitionne d’utiliser cet argent pour soutenir la recherche, le développement et la production d’armes et de technologies de défense. Une décision qui suscite des débats et des inquiétudes. On vous livre quelques pistes de réflexion.
Actuellement est discuté en France le projet de loi de finances 2024. Et le 7 novembre dernier, le gouvernement a adopté un amendement, en utilisant l’article 49.3 pour contourner le vote parlementaire. Cet amendement vise à mobiliser une partie des encours des Livrets A et LDDS (Livret de Développement Durable et Solidaire) pour financer les entreprises françaises de l’industrie de défense. En un mot, l’épargne des Français, vos et nos petites économies vont donc servir à financer des armes.
Il y a déjà eu un premier essai, cet été, porté par plusieurs députés lors de l’examen de la loi de programmation militaire. Une tentative qui a échoué et qui a été retoquée par le Conseil constitutionnel. En effet, ce dernier jugeait que la mesure n’avait pas sa place dans ce texte de programmation militaire. Cette fois-ci, l’amendement a été proposé par le député Horizons de Charente-Maritime, Christophe Plassard. Avec le soutien du président de la Commission de la défense nationale et des forces armées, Thomas Gassilloud, ainsi que du député Jean-Louis Thiériot.
Les Livrets A et les LDDS, sont gérés en grande partie par la Caisse des Dépôts (60 %) et les banques privées (40 %). La Caisse des Dépôts finance majoritairement le logement social, tandis que les banques privées utilisent une partie pour des prêts aux TPE, PME, et des initiatives d’amélioration énergétique.
55 millions de Français détiennent un livret A et quelque 4,5 millions de Français sont titulaires d’un LDDS. Le tout pour la modique somme de 550,4 milliards d’euros au 31 août dernier (dont 400 milliards pour le seul Livret A). Avec 40 % gérés par les banques privées, cela représenterait environ 220 milliards d’euros potentiellement mobilisables pour l’industrie de la défense.
L’amendement, adopté en ce mois de novembre 2023, propose de flécher une partie de ces ressources vers les PME de l’industrie de défense, offrant ainsi un financement alternatif en réponse à la réticence des banques à investir dans le secteur de la défense. Les banques considèrent que l’armement est un investissement peu rentable et contraire aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
Les épargnants sont inquiets de la destination de leur épargne. L’un des principaux points de contestation concerne le fait que les détenteurs d’un Livret A deviendraient, sans le vouloir, des soutiens financiers à l’industrie militaire. Pour de nombreux Français, il est inconcevable et moralement inacceptable de contribuer au financement d’une telle industrie, directement ou indirectement. Et puis certains craignent que cette mesure puisse détourner des fonds du logement social, mais ce ne sera pas le cas. Le logement social est financé par la partie gérée par la Caisse des Dépôts à laquelle on ne touche pas. L’utilisation de l’épargne du Livret A est restreinte aux 40 % gérés par les banques privées.
L’avenir de cette initiative dépendra de son adoption définitive au Sénat et de sa mise en œuvre effective en janvier 2024. Il n’en reste pas moins que cet amendement est un signal très « fort » de la situation des finances publiques. Pour rappel, le niveau des dettes publiques de l’État français est de 120 % du PIB. L’état est obligé de trouver des relais de financement et cette situation met en exergue la fragilité de l’État français. Si ce dernier a pour unique ressource la spoliation de l’épargne des Français pour financer l’industrie de l’armement, il est temps de nous inquiéter ! On peut aujourd’hui se poser la question et faire le pari suivant : quand l’État français sera-t-il en Bank-Run ? Ce qui donne dans la langue de Molière : quand l’État français va-t-il se retrouver en défaut de paiement, à savoir ne plus être en mesure de rembourser sa dette obligataire ?
Depuis 2020, le Sri Lanka est le dernier pays à avoir rejoint le Liban, l’Argentine, le Belize, l’Équateur, le Suriname et la Zambie dans la liste des pays en défaut de paiement. Continuer à penser que ça ne puisse pas arriver en France serait une très grosse erreur…